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Pascal Mélaine

LA DÉPRESSION, UNE MALADIE MAL CONNUE



La dépression est la maladie psychiatrique la plus fréquente et touche tous les âges. Dans 15 à 30% des cas, les stratégies thérapeutiques standards proposées restent inefficaces avec des conséquences certaines sur la qualité de vie des malades, ainsi que sur la vie sociale, familiale et professionnelle.


LA DÉPRESSION, UNE MALADIE MENTALE ?


La dépression affecte 2,5 millions de Français chaque année. On considère ainsi qu’environ 16-17% des individus présenteront au moins un épisode dépressif au cours de leur existence.


Elle compte, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, parmi les dix pathologies majeures du XXIème siècle.

La proximité apparente des symptômes de la dépression avec des émotions dont nous faisons tous l’expérience au cours de la vie (tristesse, découragement, désespoir) favorise la confusion entre dépression et « déprime » ou « coup de blues ». Or, chez la plupart, la variation de ces émotions est normale, temporaire et ne constitue pas un handicap au quotidien.


La dépression est une maladie, et non le reflet d’une faiblesse de caractère. Elle peut durer quelques semaines, souvent plusieurs mois, parfois plusieurs années. Elle nécessite une prise en charge médicale et sa guérison n’est pas une affaire de volonté.


LES SYMPTÔMES DE LA DÉPRESSION


On parle de dépression lorsque la personne réunit au moins cinq symptômes pendant une période d’au minimum deux semaines.


Le patient est en proie à une douleur morale (tristesse inhabituelle) et/ou à une perte de plaisir et à l'incapacité d'accomplir les actions de la vie quotidienne (se lever, aller travailler, se faire à manger). On peut observer également de la fatigue, une perte d’énergie, une baisse d’appétit, des troubles du sommeil, des difficultés d’attention et de concentration, une irritabilité, des pensées suicidaires, une diminution importante de l’estime de soi, un ralentissement psychomoteur et la présence de douleurs physiques qui semblent inexplicables.


UNE MALADIE CHRONIQUE AU PRONOSTIC SÉVÈRE


La dépression peut connaître une évolution chronique et ses complications peuvent être sérieuses. En effet, le risque de rechute après un épisode dépressif est possible. Dans 50% à 80% des cas, il peut survenir dans les cinq années après un premier épisode.


Des travaux de recherche ont notamment démontré que les récidives pouvaient avoir des conséquences se traduisant par des difficultés cognitives en termes d’attention, de concentration ou de rapidité. Par ailleurs, les impacts relationnels, familiaux et professionnels de la dépression sont importants : les symptômes de la dépression sont difficiles à comprendre et à accepter pour les proches et sont souvent incompatibles avec le maintien d’une activité professionnelle.


Le risque de suicide est également majoré et les patients ont, en outre, une probabilité accrue de développer des pathologies somatiques chroniques (diabète, obésité, problèmes cardiovasculaires, etc.).


LA DÉPRESSION RÉSISTANTE, UNE ENTITÉ CLINIQUE MAL CONNUE


Si la prise en charge des épisodes dépressifs est aujourd’hui bien codifiée avec une efficacité clairement démontrée des antidépresseurs et psychothérapies, on estime cependant que ces traitements ne sont pas efficaces dans un tiers des cas.


Forme particulière de dépression, la dépression résistante se caractérise par la persistance de l’épisode dépressif malgré au moins deux traitements antidépresseurs successifs bien conduits ou qui n’évolue pas suffisamment favorablement sous l’influence de ces traitements. Elle concernerait 15 à 30% des épisodes dépressifs majeurs. Mieux la comprendre et mieux la soigner est donc un enjeu majeur.


ORIGINES ET FACTEURS DE RISQUE DE LA DÉPRESSION


Nous ne sommes pas tous égaux face au risque de dépression. Entre facteurs génétiques, facteurs environnementaux et événements de vie, les chercheurs tentent de mieux comprendre la dépression et ses causes.

Certaines personnes rapportent la survenue d’épisodes dépressifs à la suite d’événements de vie douloureux alors que d’autres y sont nettement moins sensibles, laissant ainsi penser à l’existence d’une vulnérabilité individuelle. Comme la plupart des troubles psychiatriques, la dépression serait ainsi liée à l’interaction complexe entre de multiples facteurs psychologiques, biologiques, ou encore socioéconomiques...


LES ÉVÉNEMENTS DE VIE


Les expériences douloureuses jouent un rôle important sur le développement ou l’aggravation de la dépression. Les situations de maltraitance dans l’enfance exposent à un risque accru de développer, à l’âge adulte, un trouble psychiatrique, dont la dépression. D’autres facteurs peuvent également être à l’origine du déclenchement d’un épisode dépressif : la perte d’un emploi, un deuil, une situation familiale difficile ou plus généralement toute situation de stress intense.


UN DÉSÉQUILIBRE DE LA COMMUNICATION NEURONALE


La recherche a mis en évidence l’implication de nombreux facteurs biologiques, parmi lesquels le déséquilibre de plusieurs neurotransmetteurs.


Ces molécules sont essentielles à la transmission d’information entre les neurones et leur déséquilibre est associé à la survenue des symptômes de la dépression. Les principaux neurotransmetteurs identifiés sont la sérotonine (qui régule les rythmes biologiques, l’appétit, l’anxiété) et la noradrénaline (qui contrôle le sommeil, la réponse au stress ou l’attention) sur lesquels agissent d’ailleurs la plupart des médicaments antidépresseurs aujourd’hui disponibles.


LA VULNÉRABILITÉ GÉNÉTIQUE


De nombreux travaux ont également démontré qu’une personne, dont les parents souffrent ou ont souffert de dépression, présente un risque accru (2 à 4 fois supérieur) de souffrir elle-même de dépression au cours de sa vie, suggérant ainsi l’existence d’une vulnérabilité génétique. Ces variations intéressent notamment des gènes comme ceux codant pour le transporteur de la sérotonine ou le BDNF intervenant dans le fonctionnement, la croissance et la survie des neurones. Toutefois, l’impact de ces variations génétiques dépend de l’exposition à des facteurs environnementaux divers : on parle d’interactions gène-environnement. Ces personnes sont davantage vulnérables aux situations de stress et d’anxiété.


L’INFLUENCE DE LA CONDITION PHYSIQUE


Enfin, l’état de santé des personnes joue aussi un rôle déterminant. On observe ainsi un lien notable entre l’existence d’une maladie chronique (maladie cardiovasculaire, AVC, cancers, infections…) ou d’un déséquilibre hormonal (dépression post-partum, ménopause, …) et la survenue d’un épisode dépressif. Des travaux de recherche ont également établi un lien entre la qualité de l’alimentation et la récurrence des épisodes dépressifs : le déficit en Oméga 3, vitamine D serait ainsi observé chez les personnes souffrant de dépression. Plus d'informations ici.


LES FACTEURS FAVORISANT LA DÉPRESSION RÉSISTANTE


La dépression résistante constitue une forme particulière de dépression majeure. Elle se manifeste par un échec ou une efficacité partielle des traitements de référence.


L’identification des causes et des facteurs de risque de dépression résistante est un axe de recherche essentiel pour permettre d’affiner les stratégies thérapeutiques et de prédire une rechute ou une bonne réponse aux traitements.

Plusieurs facteurs pourraient la favoriser : l’existence d’une maladie somatique ou d’une comorbidité psychiatrique (trouble anxieux, trouble obsessionnel-compulsif, abus de substances…), l’exposition répétée à des stress, l’existence d’une vulnérabilité génétique, la persistance de symptômes résiduels ou la durée et la sévérité de l’épisode dépressif en cours.



TRAITER LA DÉPRESSION SOUS TOUTES SES FORMES


La dépression ne se guérit pas à force de volonté. C’est une maladie qui nécessite la mise en œuvre d’un traitement spécifique. Les stratégies thérapeutiques existantes sont efficaces dans au moins 70% des cas. Des pistes émergent pour les cas de dépression résistante.

De par sa sévérité, les risques importants de rechute et les complications qui lui sont associées, la dépression nécessite une prise en charge médicale.

Etat des lieux des prises en charge thérapeutiques.


LES ANTIDÉPRESSEURS


Il existe plusieurs types d’antidépresseurs qui interviennent dans la régulation des neurotransmetteurs impliqués dans la dépression (voir "Les causes"). Aucun antidépresseur n’a démontré une supériorité par rapport à un autre. Leur prescription n’est pas indiquée dans les cas de dépression légère. Leur efficacité dépend pour une grande part de la bonne observance du traitement et du respect de la durée de prescription, qui doit être au long cours pour éviter les risques de rechute. En effet, l’amélioration des symptômes n’est pas immédiate et s’observe souvent entre 2 et 4 semaines. Il est important que le traitement soit prolongé de 4 à 9 mois à l’issue de la phase aiguë de la dépression. Après plusieurs épisodes, la prescription peut se prolonger même plusieurs années. L’arrêt du traitement doit se faire de façon progressive en accord avec le médecin référent.


LES PSYCHOTHÉRAPIES


Les psychothérapies sont indiquées dans les cas de dépression légère ou en association avec un traitement médicamenteux dans les formes plus sévères. Différentes psychothérapies peuvent être proposées.


Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) sont des thérapies brèves, validées scientifiquement. Elles proposent des exercices pratiques qui ont pour ambition d’aider le patient à maîtriser les symptômes qui les handicapent.


La thérapie interpersonnelle aide le patient à réguler ses émotions et résoudre les difficultés relationnelles qu’il rencontre.


D’autres thérapies se sont imposées plus récemment parmi lesquelles la Mindfulness, qui propose des exercices de méditation afin de réduire la réponse au stress et gérer l’anxiété.


LES DÉFIS DE LA DÉPRESSION RÉSISTANTE


20 à 30% des malades présentant un trouble dépressif sévère souffrent d’une forme chronique et résistante aux traitements antidépresseurs de référence. Améliorer la prise en charge de ces patients est indispensable pour réduire les retentissements de la maladie.


Il convient tout d’abord de s’assurer de la qualité du diagnostic (en éliminant l’hypothèse d’un trouble bipolaire) et de la bonne observance du traitement.

Les dernières avancées de la recherche ont permis d’identifier différentes options thérapeutiques ayant démontré leur efficacité.


LES STRATÉGIES MÉDICAMENTEUSES ET DÉPRESSION RÉSISTANTE


En cas de non-réponse aux traitements de référence de la dépression, des stratégies médicamenteuses alternatives peuvent être proposées pour la prise en charge des dépressions résistantes.


Le changement de médicaments antidépresseurs ou la combinaison de deux antidépresseurs d’action complémentaire font partie des stratégies de recours.

La prescription de médicaments sans propriété antidépressive propre (hormones thyroïdiennes, thymorégulateurs ou antipsychotiques de seconde génération) mais contribuant à renforcer les effets des traitements antidépresseurs de référence constitue une voie possible.

Enfin, dans les cas où ces stratégies de recours ont également échoué, d’autres approches pharmacologiques peuvent être envisagées, parmi lesquelles la prescription d’agonistes dopaminergiques ou de kétamine.

L’ensemble de ces stratégies nécessitent d’être approfondies par des travaux de recherche.


LA STIMULATION MAGNÉTIQUE TRANSCRANIENNE (RTMS)


La RTMS est indiquée pour la prise en charge des épisodes dépressifs, en particulier lors de l’échec à un 1er traitement antidépresseur (niveau de résistance modéré) ou lors d’intolérance aux antidépresseurs. Cette technique de neurostimulation, pratiquée sans anesthésie et relativement bien tolérée, a pour but de moduler l’activité de régions cérébrales impliquées dans la physiopathologie de la dépression.


Elle consiste à appliquer un champ magnétique à la surface du cuir chevelu pendant quelques minutes de manière répétées plusieurs fois par jour et plusieurs jours consécutifs. En général le traitement s’organise sur 2 à 3 semaines lors d’hospitalisation ou en ambulatoire. Les résultats montrent une efficacité au moins équivalente voire supérieure aux antidépresseurs, mais moindre que l’électro-convulsivothérapie (ECT).


LA STIMULATION PAR COURANT CONTINU (TDCS)


La TDCS consiste à utiliser un courant électrique continu de très faible intensité appliqué sur le cuir chevelu et de manière répétée pour stimuler des régions cérébrales impliquées dans la physiopathologie de la dépression. Cette technique de neurostimulation pratiquée sans anesthésie est simple et bien tolérée. Son utilisation dans le traitement des épisodes dépressifs est en cours d’évaluation. Les résultats sont à l’heure actuelle encourageant.


L’ÉLECTRO-CONVULSIVOTHÉRAPIE (ECT)


L’ECT est indiquée dans les formes graves et résistantes de dépression ou en cas d’urgence du fait d’un risque suicidaire élevé ne permettant pas d’attendre les effets favorables des antidépresseurs classiques. Pratiquée sous anesthésie générale, cette technique consiste en l’application d’un courant électrique par le biais d’électrodes disposées au niveau de la zone frontale du crâne. Plusieurs séances sont nécessaires. L’effet bénéfique est reconnu et se manifeste rapidement.


LA STIMULATION CÉRÉBRALE PROFONDE


Stratégie thérapeutique qui fait encore l’objet de travaux de recherche, la stimulation cérébrale profonde est utilisée dans les formes très résistantes de la maladie, pour lesquelles il n’y a pas d’alternative thérapeutique disponible. Cette technique consiste en l’implantation, dans des aires cérébrales d’élection, de deux électrodes qui vont moduler l’activité électrique des circuits neuronaux. Dans 50 à 60% des cas, on observe une amélioration significative des symptômes. Invasive, cette stratégie n’a été proposée qu’à une dizaine de patients en France.






Source : Fondation Fondamentale


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