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Pascal Mélaine

Qu'est-ce que l'EMDR

Cet article d’Evelyne Josse répond à toutes les questions que l’on peut se poser sur l’EMDR.


A la différence de l’EMDR, le TTMO (traitement des traumatismes par les mouvements oculaires), variante de l’EMDR que je pratique y ajoute un réel accompagnement, que ce soit avec des techniques de PNL, d’hypnose ou d’énergétique.


L’EMDR est une approche psychothérapeutique. Elle a été découverte fortuitement aux Etats-Unis en 1987 par Francine Shapiro, docteur en psychologie au Mental Research Institute de Palo Alto en Californie. Cette méthode a rapidement révolutionné la conception et la pratique de la psychothérapie. Depuis, de nombreuses recherches se sont succédées et la technique n’a cessé de se perfectionner.


EMDR est l’acronyme de « Eye Movement desensitization and reprocessing », en français « désensibilisation et retraitement par le mouvement des yeux ». L’appellation « EMDR » a été conservée même si la méthode ne se limite plus désormais à l’utilisation des mouvements oculaires.


Depuis 1989, l’efficacité de l’EMDR dans le traitement des traumatismes psychiques a été scientifiquement prouvée par de nombreuses études contrôlées. Son intérêt a également été démontré pour la thérapie des deuils, des phobies et des attaques de panique, des dysfonctionnements sexuels, des dépendances (aux drogues, au jeux), des troubles dissociatifs, de l’anxiété de performance (business, sport, école, art) et des troubles somatoformes (troubles dysmorphiques du corps, douleurs chroniques).


L’EMDR est reconnue aux Etats-Unis par l’American Psychologist Association (1998), l’International Society for Traumatic Stress Studies (2000), l’American Psychiatric Association (2004) et le Department of Veterans Affairs and Department of Defense (2004 ), en France par l’INSERM [2] (2004) et par la Haute Autorité de la Santé (2007), en Israël par le National Council of Mental Health Israël (2002), en Irlande par le Northern Ireland Department of Health (2003) et au Royaume Uni par le Department of Health (2001) et le National Institute for Health and Clinical Excellence (2005). Distinction suprême, depuis 2013, l’Organisation Mondiale de la Santé préconise l’EMDR pour le traitement des troubles psychotraumatiques comme traitement de première intention .


Comment Francine Shapiro a-t-elle découvert cette technique ?


L’histoire de l’EMDR débute en 1987 aux Etats-Unis par une belle journée de printemps du mois de mai. Alors que Francine Shapiro se promène dans un parc, préoccupée et soucieuse, elle réalise que les pensées désagréables qui la perturbent deviennent moins bouleversantes. Or, habituellement, penser à ses soucis renforce leur prégnance et accroit l’intensité des émotions négatives qu’ils génèrent. Elle remarque que ses yeux effectuent spontanément des mouvements latéraux rapides lorsque ses pensées dérangeantes lui viennent à l’esprit. Elle pressent que la clé de la désensibilisation émotionnelle réside dans ces va-et-vient oculaires.

Sa spécificité de chercheuse la conduit à vérifier son intuition auprès de volontaires, amis, collègues et patients. Petit à petit, elle construit un protocole de traitement structuré qu’elle expérimente avec des vétérans de la guerre du Vietnam, des victimes de viol et de violence. Les résultats positifs se confirmant, elle poursuit ses recherches et réalise une thèse de doctorat.

A qui s’adresse l’EMDR ?


L’EMDR s’adresse aux personnes qui souffrent de traumatismes (agressions physiques et morales, accidents, abus sexuels, catastrophes naturelles, guerres, etc.), y compris lorsqu’elles présentent une déficience intellectuelle, ou d’événements pénibles (deuil, séparation, licenciement professionnel, difficultés professionnelles, etc.), de troubles dépressifs, de désordres anxieux (attaques de panique, phobies, anxiété de performance, anxiété généralisée, etc.), de TOC (troubles obsessionnels compulsifs), d’addictions (toxicomanie, alcoolisme, jeux, dépendance sexuelle), de troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie), de dysfonctions sexuelles, de troubles psychosomatiques et de douleurs chroniques (notamment de douleurs du membre fantôme et du sein fantôme, de migraines). L’EMDR offre également une plus-value dans le traitement des problèmes de confiance et d’estime de soi ou bien encore des difficultés d’engagement.

L’EMDR se révèle particulièrement efficace avec les enfants et les adolescents et est également utilisée avec succès en thérapie familiale.


Quelles sont les contre-indications de l’EMDR ?


Les états suicidaires et les troubles graves de la personnalité comme les psychoses sont considérés par la majorité des thérapeutes comme une contre-indication. Les troubles cardiaques récents et la grossesse, en particulier lors du premier trimestre, figurent également parmi les contre-indications.

Cependant, il appartient à chaque thérapeute, en fonction de son expérience, de son expertise et du contexte d’évaluer pour chacun de ses patients les risques et les bénéfices d’un traitement EMDR. Par exemple, un thérapeute hospitalier, rompu à la prise en charge des psychotiques, pourra recourir à l’EMDR avec un patient institutionnalisé, surveillé et encadré.

Les contre-indications sont moins liées à la problématique du patient qu’au patient lui-même, à ses ressources et à ses besoins. Avant de s’engager dans la thérapie EMDR, le thérapeute se doit d’assurer la sécurité physique et émotionnelle de son patient. S’il présente une problématique aiguë (risque de suicide, épisode psychotique, automutilations, dissociations importantes, etc.), il renforcera les stratégies de stabilisation avant d’entamer le traitement proprement dit.


Quels sont les avantages de l’EMDR par rapport à d’autres méthodes thérapeutiques ?


L’avantage de l’EMDR réside dans la rapidité et l’efficacité du traitement. En effet, un traumatisme simple (par exemple, un accident de voiture effrayant sans blessés ni tués vécu par une personne équilibrée) et une phobie unique (par exemple, une phobie de l’avion) peuvent être résolus durablement en quelques séances (de 3 à 5 séances). Dans ces cas, l’EMDR affiche une efficacité comparable à celle des ntibiotiques prescrits pour combattre une pneumonie ! A ce jour, aucune autre méthode psychothérapeutique ne peut prétendre à de tels résultats.

La guérison n’advient pas de manière aussi spectaculaire dans tous les cas même s’il n’en reste pas moins qu’elle s’avère toujours plus prompte qu’avec d’autres techniques. Ainsi, les traumatismes complexes (par exemple, une maltraitance physique ou sexuelle subie durant une longue période depuis le plus jeune âge) et l’anxiété généralisée (anxiété excessive pouvant concerner de multiples situations ou événements) réclament davantage de préparation et nécessitent un travail de plus longue haleine. Dans le traitement de ce type de problématiques, l’EMDR garde toute son utilité mais s’intègre dans une approche psychothérapeutique plus large en alternance avec d’autres techniques (telles que l’hypnose, la thérapie comportementale et cognitive, la thérapie stratégique du type Palo Alto et autres méthodes connues du thérapeute). Dans les cas les plus sévères, la thérapie peut s’étaler sur une année, voire davantage.

Les résultats obtenus par l’EMDR sont constants et durables.


Comment se déroule une thérapie EMDR ?


L’EMDR est une thérapie à part entière et comme telle doit être menée consciencieusement.

Le traitement comporte 8 phases : 1. L’histoire du patient 2. La préparation 3. L’évaluation 4. La désensibilisation 5. L’installation 6. Le scanner corporel 7. La clôture 8. La réévaluation


1. L’histoire du patient


La thérapie EMDR débute par un, voire plusieurs entretiens préliminaires. Ils s’imposent par la nécessité de recueillir un certain nombre d’informations et d’établir un bilan qui précisera l’indication de l’EMDR et, le cas échéant, sa contre-indication.

Le praticien veillera à récolter les éléments importants concernant la vie du sujet, son état de santé physique et mentale (condition générale et complications telles que troubles cardiaques, troubles mentaux antérieurs, médications, etc.) et fera une anamnèse sérieuse de la problématique motivant la demande de traitement (événements associés à l’apparition des symptômes, stimuli activant les symptômes, comportements futurs désirés, etc.).

Le thérapeute établit un plan de ciblage. Il permet d’avoir une vue d’ensemble sur les souvenirs perturbants à retraiter et d’évaluer les ressources du patient qui nécessitent d’être renforcées. Avec la participation du patient, il identifie le souvenir ou la situation à l’origine des difficultés (par exemple, un accident de roulage). Si le patient expose plusieurs situations problématiques (par exemple, un accident, une situation familiale tendue, des maltraitances dans l’enfance), il détermine ensemble les priorités de traitement. Habituellement, la thérapie EMDR s’effectue en 3 temps. Si le patient est suffisamment stable, la première étape consiste à retraiter les événements du passé. Dans un deuxième temps, sont ciblés les déclencheurs actuels. Pour terminer, sont abordés les situations futures appréhendées comme difficiles à affronter.


2. La préparation


Au-delà de ce bilan d’évaluation, ces entretiens préparatoires sont indispensables pour créer une interaction de qualité entre le thérapeute et son patient. La confiance que le patient accorde au praticien l’aidera à accueillir l’émergence des émotions négatives intenses qui risquent de surgir lorsqu’il dévoilera les traumatismes et les situations difficiles qu’il traverse.

Cette étape préparatoire permet aussi au thérapeute de fournir toutes les informations utiles sur l’EMDR, de démystifier la technique et de répondre aux interrogations du patient. Il s’agira notamment de raisonner ceux qui attendent de cette technique des effets magiques et instantanés. Nous l’avons vu, ces effets miraculeux sont fréquents dans les traumatismes et les phobies simples mais nettement plus rares dans les traumatismes complexes et l’anxiété généralisée.

Le praticien enseigne au patient un exercice de stabilisation afin qu’il puisse maîtriser ses réactions (corporelles, émotionnelles) lorsqu’il dévoile des vécus éprouvants. La technique de relaxation combinée à des mouvements oculaires, couramment désignée par le terme « lieu sûr », est une méthode d’ancrage recommandée dans toutes les prises en charge. Ce lieu peut-être réel (par exemple, un bon souvenir de vacances, une pièce de la maison où le patient se sent en sécurité, la pratique d’une activité sportive, etc.) ou imaginaire (par exemple, une plage paradisiaque où le patient rêve de se rendre, un nuage dans le ciel, un monde de Lilliputiens, etc.). Une fois installé, le patient pourra recourir à son lieu sûr pendant et après la séance.

Rappelons qu’en cas de problématique aiguë, avant d’entamer le traitement EMDR proprement dit, le praticien doit renforcer ces stratégies de stabilisation par des techniques de renforcement du moi, de relaxation, de gestion du stress, de gestion des dissociations, etc. Il est important que le patient reste dans ce que les praticiens EMDR nomment la fenêtre de tolérance. Il s’agit de l’intensité optimale des émotions. L’hyper et l’hypo-activation émotionnelles indiquent toute deux une difficulté de régulation du niveau d’activation physiologique.

Le thérapeute teste avec le patient les différents types de stimulations bilatérales (visuelles, tactiles, auditives

) afin de déterminer celles qui lui conviennent le mieux.

Thérapeute et patient s’accordent sur un signal « Stop ». Il permet au patient d’informer le thérapeute d’une difficulté et d’interrompre le traitement si le processus lui devient trop pénible.

Ces conditions étant réunies, la thérapie EMDR proprement dite peut commencer.


3. L’évaluation


Dans la majorité des cas, les difficultés et les symptômes des patients sont le fruit d’expériences passées dont le souvenir est stocké physiologiquement dans le cerveau de manière dysfonctionnelle. La thérapie EMDR a pour objectif d’identifier et de retraiter ces mémoires perturbantes à l’origine des problèmes actuels.


L’évaluation comporte 7 étapes : 1. L’image la plus représentative ou la pire du souvenir ancien, de la situation actuelle déclenchant la détresse ou de la situation future difficile (visuelle, auditive, etc.). 2. La pensée négative actuelle (par exemple, « Je vais mourir », « Je suis impuissant », « Je n’ai pas le contrôle », « J’ai fait quelque chose de mal », « Je ne vaux rien », « C’est de ma faute », etc.). Il s’agit d’une croyance négative et irrationnelle sur soi, perçue au moment de l’évènement mais ressentie encore comme vraie aujourd’hui. 3. La pensée positive, croyance positive et rationnelle que le patient souhaiterait avoir de lui, par laquelle remplacer la cognition négative (par exemple, « Je suis en sécurité », « J’ai fait ce que j’ai pu », « J’ai fait de mon mieux », « Je suis bien comme je suis », « J’ai du contrôle maintenant », etc.). 4. Le degré de conviction entre 1 et 7 (à quel point cette pensée est ressentie comme vraie maintenant). Cette échelle mesurant la validité de la cognition positive est appelée VOC (pour Validity of Cognition, en français : Validité de la Cognition) 5. L’émotion actuelle (angoisse, terreur, colère, culpabilité, honte, etc.) 6. Son intensité actuelle entre 0 et 10. Cette échelle d’évaluation de la perturbation émotionnelle face à la situation-cible est nommée SUD (pour Subjective Unit of Distress, en français : échelle des unités subjectives de perturbation) 7. Les sensations physiques actuelles (boule au ventre, gorge nouée, poids sur la poitrine, impression de jambes coupées, etc.) associées aux images, pensées et émotions (à quel endroit la perturbation est ressentie dans le corps).

Le thérapeute demande au patient de déterminer l’image la plus représentative ou la pire (visuelle, auditive , olfactive, etc.) de la situation à traiter (par exemple, pour l’accident de roulage, le moment le camion fonce sur son véhicule).

Le thérapeute propose ensuite au patient de déterminer la pensée négative (par exemple, « Je suis en danger ») et la cognition positive par laquelle il souhaite la remplacer (par exemple, « Je suis en sécurité maintenant »). Il lui demande ensuite d’évaluer la validité de cette idée positive sur une échelle de 1 à 7 (VOC). Il l’invite à ensuite à dire les émotions ressenties (par exemple, la peur) et à évaluer l’ampleur de sa détresse sur une échelle subjective étalonnée de 0 à 10 (SUD). Il les sensations physiques éprouvées (par exemple, « la boule au ventre ») actuelles associées à la situation-cible perturbante


4. La désensibilisation


Le thérapeute convie le patient à garder à l’esprit l’image-cible, la pensée négative et les sensations physiques associées. Vient ensuite la phase de stimulations bilatérales alternées par le biais de mouvements oculaires (le patient suit des yeux les doigts du thérapeute ou un objet en mouvement), de stimulations tactiles (le thérapeute tapote de manière alternée le dos des mains, les épaules ou les genoux du patient, c’est ce que l’on nomme le tapping, ou lui demande de tenir en main des pelotes émettant des vibrations) ou de stimulations auditives (il claque des doigts alternativement à droite et à gauche ou utilise un émetteur de bips sonores alternatifs via des écouteur .

Le thérapeute interrompt les stimulations, encourage le patient à exprimer ce qui se produit en lui puis reprend les stimulations. Le patient effectue de nombreuses associations et petit à petit, les informations dysfonctionnelles sont retraitées. Le thérapeute répète les sets de stimulations aussi longtemps que du nouveau matériel émerge. Lorsque plus rien n’advient, le thérapeute demande au patient d’évaluer son niveau de perturbation sur l’échelle introduite lors de la phase précédente (SUD). Le retraitement est terminé lorsque sa détresse est à 0 (ou à 1).

Durant cette phase, le patient peut traverser des émotions intenses. À tout moment, il peut utiliser le signal « Stop ». Le thérapeute doit toujours veiller à ce que le patient reste dans sa fenêtre de tolérance.


5. L’installation


Une fois la cible « désensibilisée » (seuil de perturbation à 0 ou 1), le thérapeute débute la phase d’installation. Le thérapeute utilise les stimulations bilatérales pour installer l’idée positive. Il poursuit les sets jusqu’à ce que le patient évalue la validité de la cognition positive à 7 (VOC).

Le thérapeute vérifie ensuite que la pensée positive associée à l’image-cible ne perturbe plus le patient.


6. Le scanner corporel


Le praticien demande au patient, alors qu’il pense à la situation et à la cognition positive, d’effectuer un « scanner corporel » (en anglais, body-scan) passant en revue toutes ses sensations corporelles des pieds à la tête.

Cette phase a pour but de repérer les tensions ou sensations négatives qui subsisteraient et de les dissiper à l’aide de nouvelles séries de stimulations bilatérales.


7. La clôture


Le thérapeute termine la séance par un petit débriefing en réorientant le patient sur le présent. Il veille à ce qu’il quitte la consultation en étant stable émotionnellement, que le traitement soit terminé ou non.


8. La réévaluation


En début de séance suivante, le thérapeute réévalue la situation et poursuit ou adapte le traitement.


Quels sont les processus mis en jeu par l’EMDR ?


La découverte de l’EMDR repose sur l’observation clinique. Les spéculations théoriques pour expliquer les mécanismes d’action de la méthode ont été formulées après-coup. L’efficacité de l’EMDR est prouvée mais à l’heure actuelle, les scientifiques n’ont pas complètement élucidé les processus biologiques, neurologiques et physiologiques sous-jacents. Si les hypothèses émises pour l’EMDR n’ont pas pu être vérifiées scientifiquement, rappelons qu’il en est de même pour toutes les autres thérapies.


Le traitement adaptatif de l’information


Francine Shapiro postule qu’il existe un système de traitement adaptatif de l’information qui assimile, par le biais de mécanismes neurophysiologiques, les nouvelles expériences aux réseaux de mémoire existants. Toute nouvelle expérience est automatiquement traitée par ce système inné qui trie les nouvelles données et les lie aux éléments connexes déjà conservés dans notre cerveau (Shapiro, 2007a ; Cotraccia, 2013). Ainsi mises en lien avec ce que le sujet sait déjà, ce dernier peut leur donner sens. Ce qui est utile est emmagasiné, avec les émotions appropriées, et constitue un apprentissage constructif pour l’avenir (Shapiro, 2007a).

Lorsqu’une personne est confrontée à un événement délétère, un déséquilibre se produit dans son système nerveux. Le système du traitement de l’information est entravé et l’information acquise au moment de l’événement, incluant les impressions sensorielles (images, son, odeur, goût), les sensations physiques, les affects et les vécus cognitifs (pensées, idées), est maintenue neurologiquement dans son état perturbant. L’information reste ainsi figée dans le temps, coincée dans son propre réseau neuronal et incapable de se connecter à d’autres réseaux de mémoire contenant des informations adaptées (Shapiro, 1995, 2006, 2007a).

Ce matériel originel inspire des réactions émotionnelles, cognitives et comportementales inappropriées ainsi que des symptômes manifestes. L’EMDR induit des mécanismes neurobiologiques qui rendent possible le traitement des informations non traitées. La méthode consiste à accéder à l’information stockée de façon dysfonctionnelle, à stimuler le système de traitement de l’information par le biais de protocoles et de procédures normalisés et à faciliter les liens dynamiques avec les réseaux de mémoire adaptative. Les informations mnésiques ainsi reliées trouvent une résolution adaptée (Solomon, Shapiro, 2008). Pour mieux comprendre, prenons la métaphore de la blessure. Un cycliste a chuté de vélo et s’est blessé. La plaie, souillée par la terre, s’est infectée. Elle est devenue douloureuse et purulente. Le cycliste se rend chez le médecin qui désinfecte la plaie. Ce dernier soigne la blessure mais il ne la guérit pas. Il ne fait qu’ôter l’obstacle qui entrave le processus naturel de cicatrisation. Seul le corps possède les moyens de se réparer. Rapidement, la plaie guérit, le cycliste retrouve la forme ; ses symptômes ont disparu. De même, l’EMDR permet de lever le blocage bridant le processus inné d’auto-guérison psychologique provoqué par un événement délétère. Le pus émotionnel expurgé, le traitement de l’information se réamorce, les symptômes s’amendent et le patient recouvre sa santé mentale.


Les mouvements oculaires rapides et le sommeil paradoxal


Une des hypothèses retenues pour expliquer l’efficacité de l’EMDR serait que la technique permet le retraitement des informations selon un processus semblable à celui qui se déroule durant le sommeil paradoxal, appelé aussi sommeil REM (REM est l’acronyme de Rapid Eye Movement, mouvements oculaires rapides).

Ce que nous vivons dans la journée serait stocké dans une sorte de mémoire temporaire (comparable à la mémoire vive ou RAM d’un ordinateur) et serait retraité la nuit durant le sommeil paradoxal pour être transféré dans la mémoire à long terme (comparable au disque dur d’un ordinateur). Le souvenir « temporaire » serait revécu dans toute sa sensorialité pendant le rêve (nous rêvons durant la phase de sommeil REM) pour être mis en mémoire à long terme. La thérapie EMDR reproduirait des mécanismes proches de ceux effectifs durant le sommeil paradoxal et stimulerait le transfert d’informations entre différentes parties du cerveau (entre l’hippocampe et le cortex).

Le système neurovégétatif, également appelé système nerveux autonome, est constitué des systèmes orthosympathique et parasympathique. Le rôle du système orthosympathique est de mettre l’organisme en état d’alerte et de le préparer à l’activité (on peut le comparer à l’accélérateur d’une voiture), celui du parasympathique, de lui permettre de se détendre, de récupérer et de se régénérer (on peut le rapprocher du système de freinage d’un véhicule). Le traitement de l’information, semblable au processus de digestion des aliments, se fait lorsque le parasympathique est stimulé, à savoir pendant le sommeil au cours des rêves, à l’endormissement dans les états hypnagogiques, au réveil dans les phases hypnopompiques, à l’état de veille durant les rêveries diurnes, etc. Les « souvenirs » traumatiques non « digérés » ont davantage de risque de revenir dans ces états de relâchement vagotonique propices à la transformation et à l’assimilation des données. Cependant, si ces rappels sont trop angoissants, la personne se met aussitôt en alerte. L’orthosympathique, habilité à réagir à la menace, reprend la main au parasympathique même si objectivement la personne est et se sait en sécurité. Le retraitement de l’information est alors interrompu. Prenons la comparaison suivante : vous achetez chez l’épicier 4 tranches de fromage, vous les mettez au frigo et le soir venu, vous les en sortez, vous les mangez et vous les digérez. De la même façon, vous vivez un certain nombre d’expériences durant la journée, vous les emmagasinez temporairement et la nuit, vous les retraitez et les métabolisez. Un jour, vous vous rendez chez l’épicier qui vous offre 20 tranches pour le prix de 4. Au moment de les consommer, vous calez car il ne vous est pas possible d’absorber une telle quantité de nourriture. Vous pouvez éventuellement manger 5 tranches, voire un peu plus, mais certainement pas 20. Il vous faut quelques jours pour en arriver à bout. Lorsque vous vivez une expérience désagréable, par exemple, lorsque vous êtes déçus par la petite trahison d’un collègue, vous êtes tracassés, tristes, énervés et en colère, vous éprouvez le besoin d’en parler avec votre partenaire et vos amis, parfois même, vous pleurez et votre sommeil est agité de cauchemars. Il vous faut plusieurs jours pour digérer la traîtrise. Au terme de quelques jours, tout au plus de quelques semaines, les émotions s’apaisent, vous cessez d’être perturbés par l’événement. Toutefois, vous gardez de l’expérience un apprentissage propre à optimiser votre comportement futur. Par exemple, à l’avenir, vous vous méfierez de ce collègue ou, plus globalement, vous accorderez votre confiance à autrui avec moins de légèreté. Vous retournez une nouvelle fois chez votre épicier et vous bénéficiez cette fois d’une promotion tout à fait exceptionnelle : il vous offre 4 kg de fromage pour le prix de 4 tranches. Arrivé chez vous, vous enfournez le fromage avec beaucoup de difficulté dans votre frigo car sa capacité n’est pas adaptée à contenir une si grande quantité d’aliment. Le soir, lorsque vous ouvrez la porte du réfrigérateur, vous vous alarmez à l’idée de devoir ingurgiter toute cette nourriture. Parfois même, ces kilos rangés cahin-caha vous choient sur la tête ! Dès que vous êtes dans un état parasympathique, ce qui doit être traité revient automatiquement. Si vous avez vécu un événement traumatique, les émotions négatives qui lui sont attachées sont si puissantes qu’elles ne peuvent être « digérées ». Le poids de l’événement vous tombe dessus, le coup vous réveille, vous sortez de l’état parasympathique et vous basculez dans une physiologie orthosympathique de stress.

Les mouvements des yeux observés durant le sommeil REM auraient chez les mammifères la même fonction qu’à l’état diurne : se défendre et se protéger (détecter le danger et les ressources utiles à la survie) et rechercher des informations vitales (repérer la nourriture et un partenaire sexuel, identifier un rival sexuel). En EMDR, les mouvements oculaires auraient donc des effets comparables aux mouvements rapides du sommeil REM mais qu’en est-il du tapping et des stimulations auditives ? L’animal ne se contente pas de scruter l’environnement du regard : il hume l’air, il écoute, etc. Quand nous rêvons, les mouvements oculaires suivent probablement nos visions oniriques qui s’accompagnent vraisemblablement de sensations olfactives, kinesthésiques, auditives, etc. Toutefois, ces sensations ne se traduisent pas par des phénomènes manifestes au contraire des yeux dont les mouvements sont visibles. Durant le sommeil paradoxal, nous sommes « paralysés » (le système moteur est désactivé) mais toute notre sensorialité est en éveil (la vision mais également l’odorat, l’ouïe, le toucher, la proprioception, etc.). Nous l’avons vu, durant cette phase de sommeil, les informations diurnes sont « retraitées » pour être stockées dans notre mémoire à long terme. Ce retraitement de l’information se fait certainement avec tous les organes des sens (et donc, pas uniquement les yeux). Ceci expliquerait pourquoi la stimulation de chacun de nos sens peut être active dans la thérapie EMDR.

Comment peut-on expliquer que l’EMDR libère des souvenirs refoulés ? Le refoulement est un mécanisme de défense inconscient (défini par Freud) par lequel des représentations désagréables sont maintenues hors du conscient. C’est un phénomène bien connu. Comme nous l’avons vu, les données non traitées sont stockées temporairement dans un frigo. Dans le refoulement, elles sont laissées en suspens dans un congélateur. Elles peuvent y rester longtemps sans reparaître mais elles ont davantage de chance de revenir dans un état de stimulation parasympathique, ce qui est le cas lors de la thérapie EMDR.


La double attention


Au cours de la séance d’EMDR, grâce à l’attention que le patient porte simultanément à sa situation problématique et aux stimulations sensorielles (visuelles, tactiles ou auditives), des informations apaisantes sont probablement transmises par le biais de médiateurs bio-neurologiques aux régions cérébrales impliquées dans le système de la peur (notamment, à l’amygdale). En effet, il a été prouvé que les mouvements oculaires (notamment, pendant le sommeil REM) s’accompagnent d’une activité cholinergique, donc d’un relâchement . Un lien s’établirait entre le mal-être suscité à l’évocation du souvenir et le bien-être généré par les stimulations alternées. Ce lien favoriserait le retraitement des informations dysfonctionnelles car la baisse de la tension émotionnelle accroît la capacité d’association. Progressivement la représentation perturbante se lie à des pensées non génératrices d’émotions et le patient considère différemment ce qui jadis était à l’origine de sa souffrance.


La reconsolidation de la mémoire


L’hypothèse qui retient notre adhésion est celle de la modulation émotionnelle des souvenirs lors de leur reconsolidation. Un souvenir récemment acquis est initialement labile, sensible aux interférences et à l’oubli. Pour devenir persistant, il doit être consolidé. En neurosciences cognitives, la consolidation de la mémoire désigne le processus par lequel la trace mnésique nouvellement acquise est transférée d’un système de mémoire à court terme vers la mémoire à long terme où elle se stabilise (Dudai, 2004). Longtemps on a cru que le processus de consolidation accompli, les interconnexions constituant le souvenir devenaient permanentes. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien. Le rappel d’un souvenir consolidé le rend labile et sujet aux modifications à l’intérieur d’une fenêtre temporelle de quelques heures. Pour être conservé après avoir été remémoré, il doit une nouvelle fois être stocké et stabilisé en mémoire à long terme. Lors de la reconsolidation, le souvenir peut être ré-encodé tel quel, renforcé, atténué ou modifié.

L’EMDR favoriserait, selon les chercheurs, la reconsolidation d’une version modifiée de la trace mnésique initiale de la situation perturbante (Shapiro, 2007b ; Solomon, Shapiro, 2008 ; Oren, Solomon, 2012 ; Khalfa, Touzet, 2017). Cette théorie neurobiologique de la reconsolidation qui propose qu’une mémoire accessible devient labile et peut être restaurée sous une forme modifiée est conforme aux hypothèses du traitement adaptatif de l’information de la mémoire défendue par Shapiro.


Evelyne Josse Révision 07.05.2020 Chargée de cours à l’Université de Lorraine (Metz) Psychologue, psychothérapeute (EMDR, hypnose, thérapie brève), psychotraumatologue www.resilience-psy.com

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