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  • Source : Ouest France Entreprises

« Larmes aux yeux », « boule au ventre » : ils témoignent sur l'hyper-stress au travail


Près d’un quart des salariés sont en état d’hyper-stress, selon une étude du cabinet Stimulus. Parmi eux : Valentin, Rose, Chloé, Jean-Pierre... Tous ont accepté de répondre à notre appel à témoigner sur Facebook et de raconter leur stress au travail.

Valentin et Rose sont les employés du drive d'une grande surface, Chloé travaille dans un institut de beauté, Marie est vendeuse en prêt-à-porter, Jean-Claude, technicien qualifié et Jean-Pierre, ambulancier... Leur point commun: tous souffrent d'hyper-stress au travail, comme près d'un quart des salariés si l'on en croit une étude du cabinet Stimulus publiée lundi 27 novembre. Ils ont accepté de témoigner. Tous les prénoms ont été modifiés à leur demande.

« Nous sommes complètement fliqués »

Valentin, 20 ans, enchaîne les CDD dans le drive d’une grande surface en Loire-Atlantique. L’hyper-stress, il connaît bien. « Dans cette entreprise, sous couvert d’une ambiance sympathique (tutoiement des supérieurs), nous sommes mis sous pression intense. Pendant 7 heures (avec pause), on doit courir sans cesse, pour respecter les temps de l’entreprise. Nous sommes complètement fliqués, la moindre tâche est chronométrée grâce un appareil à notre poignet », confie-t-il.

Rose, 19 ans, étudiante infirmière, acquiesce. Comme Valentin, elle a occupé un emploi de préparateur livreur dans cette même entreprise pour payer ses études. Mais à la fin de ses deux mois d’essais pour un contrat en CDI, « on m’a jetée comme une malpropre sans aucun argument. Nous étions chronométrés à la minute près voire même à la seconde. J’étais dans un état de stress extrême quand j’allais au travail, quand j’y étais et même quand je rentrais chez moi ».

« Remarque sur remarque »

« Sortir de quelques dixièmes du temps de référence, c’est se prendre remarque sur remarque. Nos supérieurs sont quasiment invisibles, on ne les voit que pour ces mêmes remarques, reprend Valentin. De surcroît, ils nous menacent de non prolongation de contrat. Une véritable épée de Damoclès. Dans cette entreprise, la majorité des employés ne tient pas quelques mois. Certains arrivent à tenir un an, mais dans un piteux état. »

Cadences infernales, manque de reconnaissance et de considération, incertitude quant à l’avenir dans l’entreprise… Les raisons de stresser ne manquent pas. Il y a aussi les plannings annoncés à la dernière minute.

Valentin confirme : « Les horaires de travail nous sont annoncés une semaine avant le travail ce qui nous empêche de prévoir quoi que ce soit puisque nous, nous devons annoncer nos empêchements un mois à l’avance, ce qui est source de grand stress pour la majorité des salariés. »

Chloé, 28 ans, est aussi en CDD et travaille depuis le mois de mai dans un institut de beauté en Bretagne. La jeune femme comprend parfaitement ce que veut dire Valentin. On est lundi, il est 16 h, elle ne sait toujours pas à quelle heure elle commence le lendemain. « Nous avons nos plannings à la dernière minute, ce qui fait que je ne peux rien programmer. Je dois faire des séances de kiné, j’attendrai la fin de mon contrat pour les faire. J’ai des petits problèmes de santé. Mon médecin m’avait proposé un arrêt de travail, mais j’ai refusé parce que le mois de décembre est un mois où il y a beaucoup de travail. Je ne voulais pas laisser tomber l’entreprise. Et puis, j’aime travailler en parfumerie. »

Alors Chloé s’accroche. Il n’y a pas que les plannings en retard qui augmentent son stress. Il y a aussi l’attitude de sa responsable, à la limite du harcèlement moral. « Elle nous surveille aussi tout le temps sur la caméra. Elle nous le dit, j’ai vu que tu n’avais pas fait ci ou ça. Quand il y a des erreurs de caisse, c’est forcément de ma faute. Je veux bien admettre mes erreurs, mais elle ne me donne aucune preuve que c’est moi qui les ai faites. On est treize à travailler dans cette parfumerie, celles qui ont du tempérament s’en sortent, mais je ne suis pas comme ça. Je sais que je ne suis pas la seule à vivre ce stress, j’ai une collègue aussi en CDD qui arrive toujours la boule au ventre… »

La boule au ventre, Marie, 24 ans, l’a aussi. « Cela fait un an que je vais au travail les larmes aux yeux, j'ai des insomnies, des cauchemars, une perte de confiance en moi… » Depuis deux ans, elle est vendeuse dans un commerce de prêt-à-porter en Bretagne, mais l’ambiance s’est dégradée. Quand sa responsable est partie en arrêt pendant plusieurs mois, elle n’a pas été remplacée. « Du coup, avec mon autre collègue, on a donc dû prendre les rênes de la boutique, un gros stress de la part du siège concernant les opérations commerciales à mettre en place en très peu de temps, c’était toujours plus de boulot à faire en moins de temps possible. Avec une responsable pas remplacée et 10 heures de personnel en moins par semaine, j’ai dû faire toutes les fermetures pendant 6 mois. Je n’ai eu aucune reconnaissance, aucun soutien, il fallait toujours faire plus et des objectifs de chiffres pas réalisables. »

Aujourd’hui Marie est en arrêt maladie. « Mon hyper-stress a évolué en début de dépression, j’ai été poussée à bout. Surtout depuis l’annonce de ma grossesse. J’ai eu des remarques, interdiction de m’asseoir, d’aller aux toilettes quand j’en avais besoin, les avantages de la convention collective n’ont pas été appliqués. Malheureusement pour nous, simples employées, nous ne sommes pas aidées ni soutenues. »

« Des objectifs impossibles à tenir »

Jean-Claude, 41 ans, est un technicien très qualifié qui travaille depuis quinze ans pour une entreprise bretonne. Sa voix tremble au téléphone. On le sent très fragilisé. En 2010, son entreprise a connu une vague de licenciements. Le personnel de l’atelier a été divisé par cinq. « Mais on a toujours les mêmes commandes », lâche-t-il. Avant l’ambiance était très bonne, « amicale, on s’autorisait même à parler des fois. Là, ce n’est plus possible. On n’arrive plus à respecter les délais. Ils nous font même travailler les dimanches ».

« Quand une commande tombe, par exemple 3 000 pièces à fabriquer pour la fin de la semaine, on sait déjà qu’on n’y arrivera pas. Que ce sont des objectifs impossibles à tenir. Alors on vient plus tôt le matin, on reste plus tard le soir. Il n’y a pas de pointeuse dans l’entreprise. On fait parfois des journées de 14 heures. » Résultat sa tension est montée à 17. « Et j’ai été arrêté ».

« On est devenu des numéros »

Jean-Pierre est ambulancier depuis sept ans. Il a 30 ans. Depuis que l’entreprise familiale dans laquelle il travaillait a été rachetée par une grande franchise, c’est la rentabilité qui prime. « Le patron cherche à faire le plus de bénéfices possibles. Les employés sont devenus de simples numéros. On nous demande de la rentabilité en interne : on doit même calculer le temps de prise en charge des patients. Mais ce ne sont pas des sacs à patates ! Pour moi, ce qui est important, c’est le côté humain. On ne peut pas tout bien faire de façon militaire. »

Lui aussi s’est mis en arrêt. Parce qu’il a eu peur que son stress ne retombe sur les personnes qu’il transporte.

« On fait des semaines parfois d’une cinquantaine d’heures avec un salaire de 1 400 €. On a l’impression de toujours être au boulot. On ne fait pas de pause, on mange parfois son sandwich dans l’ambulance. On dépasse toujours nos horaires et on n’a pas le droit de refuser. Je ne veux plus bosser dans cette boîte, ni dans cette branche. Pourtant j’aime ce métier, mais il n’est pas reconnu… »


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